Les femmes et la finance, une histoire à construire

Isabelle Jacob Nebout, Head of Wealth Management et Nicolas Mougeot Head of Global Trends and ESG Advisory chez Indosuez en Suisse s’expriment dans le magazine Agefi Indices.

25 octobre 2021

finance | femme | graphique | écrans | résultats | analyse

Face aux grands changements sociétaux, les banques ont bien compris qu’il leur fallait s’adapter. La plupart d’entre elles ont notamment développé des offres en ligne pour répondre à une clientèle plus jeune et aux milléniaux qui préfèrent passer par leur téléphone portable que par les agences bancaires. Au-delà de l’âge, la clientèle se féminise aussi, et à cet égard, les banques ont encore des progrès à faire.

La société a certes évolué très lentement en matière d’accès aux services bancaires pour les femmes. Notre pays a fêté cette année le 40ème anniversaire de l’introduction du droit de vote pour les femmes au niveau fédéral. Si, en 1982, les hommes et les femmes se retrouvaient enfin à égalité face aux urnes, il aura fallu attendre jusqu’en 1988 pour que cette égalité s’applique au foyer familial. C’est en effet le 1er janvier 1998 que la Suisse a révisé son droit matrimonial pour faire disparaître l’article 200 qui attribuait l’administration des biens matrimoniaux au mari. C’est donc à compter de cette date seulement que les femmes mariées ont pu ouvrir un compte en banque ou obtenir un crédit sans l’accord de leur époux.

Aujourd’hui, il reste des efforts importants à faire pour accélérer le développement de l’offre bancaire « au féminin », une opportunité significative pour les banques, notamment les banques privées. D’après une étude de Boston Consulting Group (BCG), les femmes détiennent un tiers de la richesse mondiale. Si la parité n’est pas encore atteinte, leur richesse croit plus rapidement que celle des hommes. BCG s’attend à ce que la croissance de la richesse des femmes augmente de plus de 7% par an dans les prochaines années contre seulement 5% pour les hommes. Derrière ces chiffres globaux, il existe évidemment des différences géographiques et culturelles, et l’Amérique du Nord est en avance par rapport à d’autres régions comme l’Afrique et le Moyen-Orient mais aussi l’Europe.

L’offre de services et de produits financiers doit donc continuer à s’adapter en prenant en compte les aspirations et les sensibilités de la clientèle féminine. Les événements qui ponctuent la vie et qui impactent différemment hommes et femmes, tels que divorce, veuvage, maternité mais aussi l’inégalité salariale, demandent souvent un traitement spécifique et une offre de planification financière adaptée.

Le rôle du banquier s’élargit donc au-delà de l’approche purement financière. Il doit notamment pouvoir accompagner ses clientes lorsqu’un accident de la vie les rend vulnérables et qu’elles se retrouvent par exemple seules à la tête d’un patrimoine important qu’elles n’avaient pas eu l’occasion de gérer jusque-là.

Les femmes ont aussi parfois d’autres aspirations concernant leurs investissements. De nombreuses études académiques ont souligné que celles-ci tendent à investir à plus long terme que les hommes, et qu’elles allouent moins de capitaux dans des actifs risqués. Par ailleurs, elles montrent une appétence beaucoup plus grande que les hommes pour les investissements socialement responsables, une thématique qui a connu un essor phénoménal ces dernières années.

Aussi, l’accès à une meilleure culture financière pour les femmes reste un sujet majeur. Elles sont sous-représentées dans les filières universitaires d’économie et de finance, ce qui a principalement deux conséquences. Cela crée d’une part un déséquilibre au niveau des connaissances financières entre hommes et femmes et, d’autre part, cela explique en partie le fait que les femmes ne constituent que 25% des effectifs seniors des banques aux Etats-Unis.

Les nouvelles générations de femmes semblent toutefois mieux formées sur des sujets financiers pointus. Pour les entrepreneuses, la constitution au fil de l’eau d’un patrimoine privé est un aspect qu’elles ne souhaitent pas laisser de côté.

Une étude comparative réalisée en 2021 au sein d’Indosuez Wealth Management afin de mieux cerner les attentes de sa clientèle féminine a permis de mettre en évidence certaines spécificités. Elle relève notamment que les femmes n’hésitent pas à approfondir les sujets avec leur conseiller, ou conseillère, pour mieux évaluer les risques intrinsèques à l’investissement envisagé ou le niveau de levier associé, pour mieux connaître la typologie des produits et leurs impacts environnementaux et sociétaux ou encore optimiser la gestion de leur portefeuille. Leurs décisions d’investissement se font aussi souvent par le biais d’une réflexion plus large qui prend en compte le contexte familial, l’organisation patrimoniale, sa protection et l’impact pour les générations futures. L’étude montre enfin que les femmes sont plus enclines que les hommes à recommander leur banque et à tenir compte des conseils de leurs connaissances.

Pour répondre à toutes ces nouvelles attentes, il est donc primordial d’employer divers profils dans les équipes de front office (banquiers et conseillers), non seulement en termes d’expériences ou de compétences mais aussi en termes d’origines géographiques et de mixité afin de mieux aborder les besoins et les attentes de toute la clientèle. La formation et la sensibilisation interne ou externe sur des sujets pointus et spécifiques demeurent importants pour rester en phase avec les enjeux du métier.

 

Paru dans Agefi Indices le 14/10/2021

25 octobre 2021

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